Tout ce que vous direz “ou ferez” pourra être retenu contre vous
“Le tribunal apprend que Meursault n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère, qu’il a refusé de la voir une dernière fois et qu’il a fumé dans la morgue. La salle est déconcertée, le procureur, lui, savoure sa victoire.” L’ÉTRANGER – Albert CAMUS
L’opinion publique, la manipulation, les règlements de compte, les guerres de pouvoir peuvent tuer à petit feu sans autres armes que les mots.
Nous n’accordons que peu de crédit à une personne jugé coupable et le regard que nous portons sur elle est souvent tronqué par les “on dit”.
Se sachant acculée, le “condamné” peut facilement amener, bien malgré lui, de l’eau au moulin de ses détracteurs.
“Si je suis triste, si je me sens seul, si je suis en colère, que je ressens un sentiment d’injustice je peux être amené à avoir des comportements inadaptés et je peux faire des erreurs.
Plus je fais d’erreurs, plus je vais être jugé et donner ainsi du crédit à la partie adverse…”
Chaque acte, chaque parole prononcée ; ne sera utilisé que pour alimenter la condamnation.
La personne victime de cette déferlante de reproches va finir par se taire, s’isoler et surtout ne plus voir la porte de sortie.
Ce musellement virtuel fait d’énormes dégâts dans les établissements scolaires, au travail et aussi dans la vie personnelle car la seule issue peut être la maladie que l’on déclenche, le burnout, ou même, beaucoup trop souvent, le suicide.
Celui qui décide de mourir n’est pas un lâche mais une personne qui ne voit plus de solution.
La réputation jette des gens en prison.
Il peut s’agir des quatre murs d’une cellule mais ce peut être aussi la prison mentale invisible par l’extérieur ; plus insidieuse…
Quelqu’un de condamné, une fois le jugement posé, n’a plus droit à la parole mais qu’il y a-t-il de pire que d’être condamné sans procès ?
Nous n’écoutons plus les personnes de la même manière lorsque nous sommes certains de leurs culpabilités et de ce fait nous n’accorderons que peu de crédit à leurs propos.
Au départ un simple règlement de compte, une jalousie, une guerre de pouvoir, la peur …
Nul besoin d’avoir une force de persuasion immense, il suffit simplement de manipuler des faits, d’exagérer des traits, de prendre des mots et les sortir du contexte, se servir des références familiales pour appuyer sur des agissements comme s’ils étaient génétiques.
“il est comme son père, c’est un menteur.” “elle est comme sa mère, elle n’est pas fiable” “de toute façon dans la famille, ils sont tous tarés”…
Se servir de l’histoire, du passé, ressortir des vieux dossiers afin de discréditer.
« il n’a jamais tenu un travail », « il a fait faillite », « il était nul à l’école », …
C’est comme cela que des adolescents montrés du doigt mettent fin à leurs jours, que des employés mis au placard subissent le même sort et que des familles entières se déchirent.
Avant de juger, de condamner, assurez-vous bien d’avoir tout le dossier, prenez le temps de regarder l’autre en face, avec votre cœur, et avant de partir, de tourner le dos, posez-vous ces questions :
- Est-ce que vraiment cet homme ou cette femme m’a fait du mal personnellement ?
- Qu’est-ce que je vois quand je la regarde ?
- Et si c’était moi qui étais traité ainsi ?
- Et si c’était moi qui étais seul dans la cour de l’école subissant les moqueries des autres ?
- Si mon employeur me faisait subir ce harcèlement de quoi aurai-je besoin ?
- Si mes collègues de travail me tournaient le dos ?
- Si mes enfants me jugeaient et me rejetaient comme je rejette mes parents ?
- Quelle faute ne peut pas être pardonnée ?
- Suis-je suffisamment irréprochable pour condamner l’autre ?
- Qu’est ce qui me motive à rester sur mes positions ? qu’ai-je à y gagner ?
Ne vous détournez jamais d’un regard qui peut être un appel au secours.
Avant de tourner le dos à une personne assurez-vous de ne rien regretter car rien n’est pire que le regret et le sentiment de culpabilité …
Et si chacun prenait sa part de responsabilité ?
Nathalie PICHON
Créatrice de changement